Quatre constats :
1 – Des analyses d’EIAS hétérogènes
Une certaine hétérogénéité sur la manière de mener une analyse d’EIAS est observée. Il persiste un défaut de connaissance des professionnels concernant la méthode d’analyse d’un EIAS, notamment :
- pour identifier et analyses les causes profondes
- pour identifier les barrières de prévention et de protection (récupération et atténuation).
La littérature a vu émerger différentes approches de retour d’expérience. On peut citer les revues de mortalité et de morbidité (RMM) dès 1910 aux USA. En France, les premières incitations à la maîtrise des risques sont développées en 1996, les comités de retour d’expérience (CREX) développés par la Mission nationale d’expertise et d’audit hospitaliers (MEAH) en 2005 dans les secteurs de la radiothérapie, puis les revues des erreurs médicamenteuses (REMED) développées par la Société française de pharmacie clinique (SFPC), etc.
Bien souvent, cette pluralité est mise en avant pour argumenter les différences d’analyse et donc de qualité. Pourtant, cette pluralité ne doit pas constituer un frein puisque toutes ces méthodes partagent les mêmes fondements d’analyse approfondie des causes avec recherche des facteurs qui ont contribué à la constitution et la survenue de l’évènement indésirable associé aux soins.
2 – Une forte proportion de déclarations d’EIGS inexploitables
Une part encore trop importante des déclarations d’EIGS reçues sont inexploitables car la qualité de l’analyse est insuffisante. Les bilans annuels de la HAS sur les EIGS rapportent une qualité insuffisante de l’analyse dans respectivement 49 % (rapport 2018) et 54 % (rapport 2019) des déclarations reçues.
L’analyse approfondie permettant d’identifier les causes profondes reste la partie de la déclaration la moins bien traitée.
La qualité des analyses réalisées conditionne la qualité du retour d’expérience. Ainsi, si on veut produire des recommandations, préconisations, solutions pour la sécurité utiles et fiables, la qualité des données recueillies est essentielle et doit être une priorité.
3 – L’analyse des barrières de sécurité incomprise et inexploitée
L’analyse des barrières est essentielle à la compréhension d’un EIAS. Elle enrichit considérablement l’analyse approfondie de l’EIAS. Pourtant, elle est peu renseignée car peu connue.
Les champs prévus pour cette analyse dans le formulaire de déclaration d’un EIGS sont peu ou mal remplis.
4 – Le récit du patient jusqu’à présent occulté
La méthode ALARM a été actualisée par ses concepteurs en 2016 (C. Vincent, R. Amalberti in Safer Healtcare, 2016), devenant ALARM-E (E pour extended). La prise en compte du point de vue des patients y est décrite comme essentielle.
Le patient est acteur de son parcours et il est le seul à en « vivre » toutes les étapes. Son ressenti et son expérience sont des éléments qu’il est opportun de recueillir afin d’enrichir le déroulé des faits établis par les professionnels. Les éléments recueillis lors du récit du patient peuvent améliorer la reconstitution et la complétude des données et donc présentent un intérêt majeur.
En réponse
Issu d’une collaboration HAS-FORAP, ce guide pragmatique a pour but d’apporter aux professionnels du soin et de l’accompagnement un outil simple et didactique pour réaliser l’analyse d’évènements indésirables associés aux soins, quel que soit le secteur dans lequel ils exercent (sanitaire, médico-social, secteur de ville).
Ce guide fait partie des publications de la HAS pour promouvoir une culture du retour d’expérience, il s’inscrit en complément et dans la continuité des documents tels que le « Cadre général d’évaluation des démarches d’analyse des événements indésirables associés aux soins », « la gestion des risques en établissements de santé » et le « guide revue de mortalité et de morbidité » tout en abordant deux points majeurs et nouveaux : la prise en compte du récit du patient et la nécessité de réaliser une analyse des barrières.
Enfin, une fiche d’information patient et un outil d’aide à l’entretien ont été développés en collaboration avec le service engagement des usagers de la HAS.